Le secteur de la petite enfance souffre : crèches saturées, quelles solutions pour les parents ?

24 juin 2025

Le Conseil de l’égalité entre les femmes et les hommes (CEFH) organisait une conférence intitulée “crèche saturées, parents dépassés : quelles solutions pour Bruxelles ?” Un débat auquel ont pris part des associations de la petite enfance, des puéricultrices, des représentants politiques et bien sûr des parents concernés par la problématique. Born in Brussels y était également.

Photo : Samuel Walheer

C’est suite à la parution en décembre 2024 d’un avis d’initiative du CEFH que le sujet a été tout naturellement choisi pour cette conférence. Car, il est vrai que le secteur de la petite enfance souffre depuis plusieurs années. Et ce n’est pas faute aux puéricultrices d’avoir tiré la sonnette d’alarme en 2023 : Petite enfance et milieux d’acceuil : le secteur manifeste pour un vrai coup de main ! Plusieurs problématiques sont à relever comme un manque de places dans les milieux d’accueil, en particulier dans les communes les plus pauvres, un cadre de travail décrié, un manque de reconnaissance et de valorisation financière ou encore une pénurie de personnel causé par une perte d’attractivité du secteur. La répartition des compétences selon les niveaux de pouvoir à Bruxelles n’aide pas le processus d’amélioration du secteur à sortir la tête de l’eau.

“Veiller à l’égalité entre les femmes et les hommes est un devoir permanent. Il est nécessaire de le prendre systématiquement en compte dans le cadre de l’élaboration des politiques bruxelloises, de la gestion quotidienne de la Région ainsi que dans l’évaluation de ces politiques et des actions menées.” Le Conseil de l’égalité entre les femmes et les hommes (CEFH)

Pourquoi un avis du CEFH ?

Lorsqu’on lit l’avis publié par le Conseil de l’égalité entre les femmes et les hommes en fin 2024, celui-ci fait état d’une situation bien complexe. En effet, l’un des principaux défis auquel doit faire face le secteur de la petite enfance est ce déséquilibre entre l’offre et la demande de places d’accueil. Malgré une amélioration du taux de couverture entre 2013 et 2022, le CEFH le confirme : cela reste largement insuffisant. De plus, si l’on tient compte de la  « non-demande » de certaines familles, il faut considérer que des familles renoncent à chercher une place. Ces dernières abandonne face à la pénurie ou sont confrontées à des difficultés d’accessibilité financière ou géographique. Pour finir, le CEFH met en avant l’inadéquation entre l’offre et la demande ; prégnante si l’on examine la situation pas uniquement au niveau de la Région mais plutôt par commune ou par quartier. Le Conseil poursuit dans son avis : “On remarque alors de fortes disparités, généralement entre communes plus riches du Sud-Est, mieux fournies en milieux d’accueil, et communes plus pauvres du Nord-Est, moins bien loties.”

Que dit l’avis ?

Pour mener à bien ce nouvel avis, plusieurs auditions ont été menées par le CEFH dans le courant de l’année 2024 et ont permis d’aboutir à un avis. Ces auditions ont été réalisées auprès du Cabinet du Ministre-Président du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, Rudi Vervoort, Perspective.brussels, la Ligue des Familles ainsi qu’au Gezinsbond. L’avis reprend des revendications à destination de l’Etat fédéral, la Région de Bruxelles-Capitale (RBC), la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB), la Vlaamse Gemeenschap (VG), la Commission communautaire française (COCOF) et la Vlaamse Gemeenschapscommissie (VGC). Dans l’avis figurent des recommandations transversales adressées aux différents niveaux de pouvoir du pays. Il y a également des recommandations particulières du CEFH qui reprend deux thématiques importantes :

  • Nombre de places et accessibilité : Augmenter l’offre de places, Cibler les quartiers au taux de couverture faible, Agir sur la demande : congés de naissance et parentaux, prégardiennat et classes d’accueil, Augmenter l’accessibilité financière, Faciliter le processus d’inscription et améliorer la qualité de l’accueil ou encore Augmenter l’inclusion des enfants à besoins spécifiques
  • Emploi et formation : Améliorer l’attractivité, les conditions de travail et la rémunération du secteur, Simplifier les démarches administratives et soutenir les équipes, Inclure la petite enfance dans un accord-cadre régional pour l’emploi, la formation et l’enseignement, Mettre à jour et étendre les formations initiales ou encore Faciliter la reconnaissance des diplômes étrangers

Vers l’avis d’initiative : Accueil de la petite enfance en Région de Bruxelles-Capitale

Un métier trop peu valorisé

Deux puéricultrices ont pris la parole pour partager leur expérience et témoigner des difficultés auxquelles elles font face tous les jours, le peu de valorisation de leur métier, aux impacts psychologiques et physiques ou encore aux conséquences que cela induit. Voici l’un des deux témoignages :

“Voir les enfants grandir, évoluer, apprendre jusqu’à devenir autonome est une expérience gratifiante. Chaque jour, nous avons la satisfaction de participer à leurs développement et de les accompagner dans une étape essentielle de leur vie. Avoir la confiance des parents est important. Malheureusement, c’est un métier qui est mal payé et qui influe tant sur le plan physique que psychologique. Nous sommes soumises au stress, à une charge mentale permanente et efforts répétitifs : porter des enfants, rester longtemps debout, se pencher constamment provoquent, à long terme, des troubles musculo squelettiques comme des douleurs au dos, aux épaules ou aux genoux. Des douleurs qui deviennent avec le temps chroniques et nécessites des arrêts de travail prolongés. À notre retour, on nous fait bien ressentir que l’on a été trop longtemps absentes. Notre santé mentale y prend un coup ; nous devons compenser face à des parents exigeants et inquiets, des collègues en sous-effectif ainsi qu’un rythme effréné. Notre métier souffre face à une pénurie de personnel, un métier peu attractif, pas assez payé, des horaires contraignant et un manque de reconnaissance pour un métier à vocation. Pour une grande majorité de femmes dans ce métier – qui assument également la responsabilité des charges familiales – l’équilibre entre vie privée et familiale est rendu très difficile. Certaines puéricultrices, comme moi, doivent réduire leur temps de travail à cause des horaires peu adaptés à une vie de famille. D’autres passent à mi-temps car épuisées, au détriment de leur revenu ou de leur carrière ou quittent, à contre-cœur la profession. Nous ne pensons pas tenir jusqu’à la pension car travailler 45 ans dans une crèche semble légitimement inenvisageable pour beaucoup de monde. Nous aimerions que notre métier soit reconnu comme métier lourd afin de permettre un départ à la retraire anticipé et dans la dignité. Bien qu’il s’agit d’un métier fabuleux, les conditions de travail sont de plus en plus précaire, il manque un soutien médical adapté au personnel, reconnaitre la pénibilité et proposer des aménagement de fin de carrière. Il semble donc urgent d’agir pour préserver la qualité d’accueil des enfants et la santé des professionnelles qui y consacrent avec passion. Gladys Romo Aguilera, puéricultrice depuis 20 ans dans une crèche publique à Bruxelles.

Un mot sur le CEFH

Le Conseil est l’organe consultatif autonome de la Région de Bruxelles-Capitale depuis 2012. Il émet des avis et des recommandations sur toute question relative à l’égalité entre les femmes et les hommes. La particularité du conseil est la composition subdivisée en quatre parties : des partenaires sociaux, du Nederlandstalige Vrouwenraad et du Conseil des Femmes francophones de Belgique, d’organisations pertinentes de la société civile ainsi que du monde académique. Ses missions sont les suivantes :

  • Formuler des avis et recommandations sur toutes les matières qui peuvent avoir une incidence sur l’égalité entre les femmes et les hommes en Région de Bruxelles-Capitale ;
  • Suivre la thématique de l’égalité entre les femmes et les hommes, également aux autres niveaux de pouvoir, pour autant que cela ait un impact pour la Région de Bruxelles-Capitale ;
  • Remettre un rapport annuel au Gouvernement sur les activités réalisées et la dépense de ses ressources financières ;
  • Organiser une fois par an un débat public sur les travaux réalisés par le Conseil et les perspectives qui se dessinent pour l’avenir.

→ En savoir plus sur le CEFH : Conseil bruxellois de l’égalité entre les femmes et les hommes Brupartners ou 02 205 68 85