Lise Thiry, pionnière de la médecine et femme engagée, s’en est allée

12 février 2024

Partie le 16 janvier dernier à l’âge de 102 ans, Lise Thiry fut une femme brillante et aux multiples engagements : virologue, pionnière de la médecine, militante politique, féministe ou encore travailleuse de terrain pour des causes sociales. C’est dans les années 80 qu’elle se fait connaître du grand public par ses recherches sur l’avortement et en identifiant le VIH dans des échantillons de lait maternel. Retour en arrière sur une personnalité belge de talents et haute en couleurs.


“L’injustice, les malheurs, il sont si irritants qu’ils vous empêchent de dormir, le soir. Et puis, le lendemain, à cet éveil de l’aube si rafraîchissant, on dresse des plans pour la lutte. En fin de course, … ce sera bien l’aube qui gagnera.” Lise Thiry.

Le parcours d’une combattante

Née le 5 février 1921 à Liège, Lise Thiry est la fille de Marcel Thiry, écrivain et sénateur du Rassemblement wallon. C’est à l’Université de Liège qu’elle finalise ses études de médecine pendant la Seconde Guerre mondiale et, en 1946, elle est l’une des trois seules femmes diplômées sur un total de 140 étudiants. Durant cette période, très peu de femmes entreprennent ce genre de cursus, comme le raconte Bernard Rentier, virologue, ex-recteur de l’université de Liège et cousin de Lise Thiry, pour le Journal Rtbf :”C’était une grande première d’avoir une femme là. Et, en plus, elle le faisait dans des conditions difficiles. Nous étions après la guerre, elle et son équipe travaillaient dans des baraquements préfabriqués. Ces travaux de laboratoire se faisaient dans des conditions invraisemblables.” Par la suite, elle deviendra chercheuse à l’institut Pasteur de Bruxelles où elle se spécialisera en virologie et microbiologie. Elle y créera, en 1952, le service de virologie. 

L’engagement pour une médecine sociale

Dans les années 70, la Belgique interdisait l’avortement. À cette époque, Lise Thiry s’engage avec d’autres médecins, dont Michèle Loijens – vice-Présidente du CHU Saint-Pierre – dans des comités de dépénalisation de l’avortement. Cette dernière explique dans une interview de la Rtbf : “L’ampleur de la tâche, l’envie de dépénaliser l’avortement, de faire entendre nos voix étaient fortes. Lise était super active sur ce dossier. Elle avait un enthousiasme tellement grand, qu’on l’aurait suivie en enfer !” Par ailleurs, Lise Thiry joue de ses nombreux talent pour une réforme de la médecine en Belgique qu’elle souhaite plus “sociale”. C’est dans cette lignée qu’elle va fonder le GERM (Groupe pour la Réforme de la Médecine). À ce sujet, Michèle Loijens raconte pour la Rtbf : “Le travail qu’elle a fait dans le cadre de la politique de santé dans le pays était important aussi. La médecine sociale, c’était son credo. Une médecine préventive, des soins à domicile. Elle a vraiment aidé à réformer la médecine.”

Pour les démunis et contre les injustices !

De par son ascendance paternelle, Lise Thiry fut également investie dans le monde politique afin de faire entendre sa voix de femme et de médecin. Ses nombreuses expériences l’ont ensuite poussée à se tourner naturellement vers des causes humaines. C’est sur le terrain qu’elle va mener un autre combat : venir en aide aux demandeurs d’asiles. C’est en 1998 qu’elle devient la marraine de Sémira Adamu, jeune nigériane étouffée par des gendarmes lors de son expulsion. Affectée par ce drame, Lise Thiry n’en perdra néanmoins pas son abnégation pour venir en aide aux nécessiteux. Dès lors, elle écrit en 2002 un livre intitulé “Conversations avec des clandestins” dans lequel elle raconte le vécu des demandeurs d’asile au travers d’extraits de conversations et de débats. Lise Thiry fut donc une grande dame engagée dans plusieurs projets dirigés vers l’humain. Michèle Loijens, interviewée par le Rtbf déclare sur son amie : “Elle était une grande chercheuse, mais aussi une grande citoyenne. Elle s’est battue pour les malades du Sida, pour les étrangers, pour la Palestine et pour les droits des femmes. Elle était humaniste oui, plus que féministe même.”

 

Texte : Samuel Walheer