Parler néerlandais avant même de marcher ? C’est l’ambition du gouvernement flamand, qui veut renforcer l’apprentissage de la langue dès les premiers mois de vie. Début juillet, un ensemble de mesures ont en effet été approuvées ; visant à généraliser l’exposition au néerlandais dès la crèche.
Cette politique est présentée comme « nécessaire pour lutter contre l’échec scolaire », mais suscite de vives critiques, notamment de la part des syndicats d’enseignants.
Objectif : parler néerlandais dès la crèche
La ministre flamande de l’Enseignement, Zuhal Demir (N-VA), est catégorique : le combat contre les inégalités scolaires commence dans les premières années de vie. Dès l’âge de 1 an, les enfants seront davantage exposés au néerlandais dans les structures d’accueil. Une enveloppe de 12 millions d’euros a été débloquée pour renforcer les ressources éducatives néerlandophones dans les crèches et milieux d’accueil, via la ministre du Bien-être, Caroline Gennez (Vooruit). À partir de 2 ans et demi, des “sauts d’embarquement linguistiques” seront proposés aux tout-petits : des moments ludiques pour découvrir leurs premiers mots en néerlandais, avec la possibilité d’impliquer les parents.
Une logique de prévention… mais aussi de pression
L’idée est de prévenir dès le plus jeune âge les retards linguistiques qui freinent la réussite scolaire. Aujourd’hui, plus de 27 % des enfants scolarisés en Flandre ne parlent pas le néerlandais à la maison, contre 18 % il y a dix ans. Pour la ministre Demir, il faut “agir tôt, avant que le fossé ne se creuse”.
Mais cette logique de prévention s’accompagne aussi de mesures contraignantes :
- En maternelle et en primaire, des cours en petits groupes et des “classes de héros de la langue” deviennent obligatoires pour les enfants en difficulté.
- En secondaire, les élèves pourront se voir imposer 3 heures de néerlandais supplémentaires par semaine.
- Des cours d’été permettront aux enfants de “rattraper” leur retard en dehors des périodes scolaires.
Des mesures “ambitieuses”, mais à quel prix ?
Si le fond du projet fait globalement consensus (mieux apprendre la langue d’enseignement dès le départ), la forme et les moyens semblent poser problème. Plusieurs syndicats dénoncent une réforme déconnectée de la réalité du terrain.
Comment allons-nous mettre cela en œuvre avec la pénurie actuelle de professeurs ? », s’interroge Marc Borremans (du syndicat ACOD).
Selon les chiffres cités par les syndicats, 10 à 15 % des postes d’enseignants sont vacants en Flandre, et jusqu’à 27 % à Bruxelles et Gand. La pénurie touche de plein fouet les écoles qui accueillent justement un public plus fragilisé sur le plan linguistique.
Avant de lancer des réformes de cette ampleur, il faut renforcer les équipes existantes, pas simplement empiler de nouvelles missions”, alerte Marianne Coopman, secrétaire générale du syndicat COV.
Les parents aussi mis à contribution
Le gouvernement flamand ne s’arrête pas là. Les parents non-néerlandophones sont aussi visés. Des séances d’information leur seront proposées pour les aider à mieux accompagner leur enfant. À terme, la ministre Demir souhaite lier l’apprentissage du néerlandais par les parents à l’octroi des allocations scolaires, une mesure jugée inquiétante par certaines associations de défense des droits sociaux.
En résumé : un projet ambitieux, mais fragile
Le plan flamand repose sur un principe fort : plus tôt les enfants sont exposés à la langue de l’école, meilleures sont leurs chances de réussite. Mais sans un investissement massif dans les ressources humaines, ces ambitions risquent de creuser davantage les inégalités, en surchargeant les écoles et en stigmatisant les familles déjà précarisées. La question centrale reste donc : qui portera ce projet sur le terrain ? Et à quel coût humain et pédagogique ?