« L’inaction dans le domaine des produits chimiques n’est plus une option ! » : phrase interpellante qui conclut l’étude intitulée Manufactured Chemicals and Children’s Health — The Need for New Law. Le rapport, partagé tout récemment sur le site du Docteur Coquelicot, met en avant plusieurs préoccupations : le lien prouvé entre maladies non transmissibles chez les enfants et leur exposition aux produits chimiques, l’échec d’une législation sur les produits chimiques synthétiques ou encore leur production mondiale et massive, allant jusqu’à tripler d’ici 2050 selon les prédictions.
D’après l’étude, près de 350.000 produits chimiques manufacturés seraient répertoriés à l’échelle mondiale et proviendraient de mélanges chimiques, de plastiques ou de combustibles fossiles (gaz, pétrole et charbon). Leur production ne cesse d’augmenter d’année en année et aurait une incidence directe et néfaste sur la santé environnementale des enfants. En effet, de nombreuses maladies non transmissibles (MNT) – principale cause de maladie et de décès chez les enfants – seraient causés par la fabrication de produits de synthèses. Réalisée par Philip Landrigan, directeur de l’Observatoire de la santé planétaire du Boston College, l’étude a été publiée le 16 janvier 2025 , via un consortium, dans le New England Journal of Medicine. Voici, en résumé, les grandes lignes.
La santé des enfants, une priorité !
Par rapport aux produits pharmaceutiques, les produits chimiques synthétiques et de plastiques sont finalement soumis à peu de contraintes juridiques ou politiques. En effet, peu d’évaluation sur la dangerosité, ou même de surveillance post-commercialisation sont effectuées. Pourtant, les effets néfastes à long terme sur la santé des populations et, en particulier, sur celle des enfants est bien réelle. Selon l’étude, moins de 20% des produits de chimiques de synthèses sont testés sur base d’une éventuelle toxicité. Leurs effets sur les enfants et les nourrissons ne sont pas non plus évalués alors que des liens entre ces produits et certaines maladies infantiles existent. Une révision au niveau législatif pour protéger les enfants contre ces dangers prouvés doit être une priorité d’ordre publique !
Quelques chiffres clés
Si l’on se réfère aux cinquante dernières année jusqu’à ce jour, voici ce que l’étude ressort comme chiffres importants (et très interpellants !) :
- Les taux de maladies non-transmissibles chez les enfants ont fortement augmenté.
- L’incidence des cancers infantiles a augmenté de 35 %.
- Les malformations congénitales liées à la reproduction masculine ont doublé en fréquence.
- Les troubles du développement neurologique affectent désormais un enfant sur six.
- Les troubles du spectre autistique sont diagnostiqués chez un enfant sur 36.
- La prévalence de l’asthme infantile a triplé.
- La prévalence de l’obésité pédiatrique a presque quadruplé.
- Une forte augmentation du diabète de type 2 chez les enfants et les adolescents.
- Chez les adultes, les maladies, les incapacités et les décès dus aux maladies cardiovasculaires, aux accidents vasculaires cérébraux et à de nombreux cancers ont diminué.
La recherche en pédiatrie environnementale
Lorsque l’on parle d’évolution en pédiatrie environnementale, il faut revenir 25 ans en arrière. En effet, deux événements ont grandement participé à son essor : la publication du rapport du Conseil national de la recherche en 1993, appelé Pesticides in the Diets of Infants and Children ; qui a permis de prouver l’existence de facteurs biologiques rendant les enfants sensibles aux produits chimiques toxiques. Le deuxième est l’adoption de la Food Quality Protection Act (FQPA) en 1996. Provenant des États-Unis, cette loi sur les pesticides a permis de faire de la santé environnementale des enfants une priorité nationale et ainsi de stimuler la recherche en pédiatrie environnementale. La dangerosité des expositions, même brèves, aux produits chimiques toxiques chez les enfants, période de vulnérabilité, s’avère être un risque de développer des maladies ou des invalidités, jusqu’à persister tout au long de la vie.
« La situation s’aggrave rapidement. L’augmentation continue et incontrôlée de la chimie de synthèse met non seulement en danger les enfants du monde entier, mais elle menace aussi la capacité de reproduction de l’humanité. » déclare Philip Landrigan, directeur de l’Observatoire de la santé planétaire du Boston College
À titre d’exemple…
Aux États-Unis, entre les années 50 et 70, chaque année près de 100.000 tonnes de plomb, appelé tétraéthyle, étaient ajoutés à l’essence. Ceci pour améliorer les performances des automobiles. Cela a eu comme conséquences de contaminer massivement l’environnement ; le niveau moyen de plomb dans le sang de la population était de 16 à 17 g par décilitre. Par la suite, les conséquences ont été les suivantes : le QI moyen des enfants américains – critère utilisé dans la classification internationale des maladies pour définir la déficience intellectuelle – a diminué de 2 à 5 points; le nombre d’enfants ayant un QI supérieur à 130 a diminué de plus de 50 %; ou encore que le nombre d’enfants ayant un QI inférieur à 70 a augmenté de plus de 50 %.
L’échec de la législation sur les produits chimiques
À ce jour, l’industrie chimique fonctionne à plein régime et figure comme la deuxième industrie manufacturière mondiale. En effet, elle représente à elle seule près de 25% du produit intérieur brut (PIB) des Ètats-Unis. Cela provient notamment du fait que depuis l’adoption de la TSCA (Toxic Substances Control Act) en 1976, très peu de produits chimiques ont été interdits ou restreints sur les marchés américains. La législation sur les produits chimiques dans l’Union Européenne – appelée Registration, Evaluation, Authorisation, and Restriction of Chemicals (REACH) – fonctionne de la manière suivante : « pas de données, pas de marché ». Dans les faits pourtant, la production chimique n’est pas réellement freinée.
Pour un réveil législatif
L’étude plaide donc bien en faveur d’un changement législatif sur les produits chimiques, pour protéger la santé des enfants. Dans les faits, cela ne parait pas si simple. D’après Philip Landrigan, auteur de l’étude, des tests rigoureux devraient être réalisés afin de prouver que les produits chimiques ne sont pas toxiques en terme d’exposition. Cela empêcherait une production illimitée et favoriserait une approche plus prudente pour la santé des enfants. De plus, il devrait être établi des contrôles post-commercialisation des produits chimiques afin de détecter les effets indésirables sur le long terme. Un exemple est mis en avant : la considération des résultats d’études toxicologiques animales. Celles-ci permettent de prédire les risques sur la santé humaine et en particulier pour les enfants. Les conséquences tardives des expositions précoces peuvent être observées auprès d’animaux exposés in utero.
Renforcer les efforts internationaux
Il est donc clair que l’exposition des enfants à un produit chimique toxique peut nuire à la santé, à la viabilité économique, à la sécurité de toute une société jusqu’à avoir des effets néfastes sur la capacité de reproduction de l’humanité. La crise mondiale environnementale est croissante et la pollution chimique est bel et bien un défi à relever ! Pour tenter de sauver le navire ou plutôt celui l’avenir de tous les enfants du monde, l’idée d’un traité mondial pourrait jouer un rôle clé ; les Nations unies mettrait en oeuvre cet acte juridiquement contraignant sur la fabrication et la commercialisation des produits chimiques. Actuellement, il existe déjà un traité mondial sur les plastiques qui pourrait servir de modèle.
Adaptation et mise en page : Samuel Walheer