Colloque sur la « Santé sexuelle et reproductive des femmes précarisées » : partage de bonnes pratiques

24 mai 2024

Jeudi 16 mai 2024, l’équipe de Born in Brussels était présente à la Maison du Peuple (Parvis de Saint-Gilles) pour participer au colloque intitulé “Santé sexuelle et reproductive des femmes précarisées”. L’occasion d’aborder des sujets en lien avec les femmes précarisées, comme l’accès aux services de soins de santé, les questions de genre, la place de la culture ou encore la prévention de la violence. Durant la matinée, différentes intervenantes – chercheuses, docteures ou encore sociologues – se sont relayées pour alimenter le débat. L’après-midi était par ailleurs consacré aux ateliers proposés par des travailleuses du terrain, permettant des dynamiques d’échanges entre professionnel.le.s du secteur.

©Samuel Walheer

 

Pour reprendre les mots de Myriem Amrani, Présidente du CPAS de Saint-Gilles, à l’initiative du colloque : “Cette journée d’étude est une excellente occasion de mettre en avant toutes les familles monoparentales, rendre visible l’invisible, parler des tabous du corps de la femme, les difficultés d’accès aux soins, les demandes d’interruptions de grossesse… Il est primordial de sensibiliser nos travailleur.euse.s sociaux en leur donnant les outils nécessaires de prévention, interroger les politiques sociales, développer des projets pour à nouveau rendre visible l’invisible dans l’intérêt de nos bénéficiaires. L’expertise des chercheurs, ajoutée celle des travailleur.euse.s de terrain, crée sans aucun doute une synergie indispensable en vue de promouvoir la politique de santé et, ainsi, aide toutes ces femmes précarisées.” Durant le colloque, justement, plusieurs expertes de la santé et du domaine social ont ouvert la voie à la réflexion en abordant chacune à leur tour des sujets intimement liés les uns aux autres. Voici, dans les grandes lignes, ce qui ressort des interventions.

“La production des corps féminins : entre intime et politique”

Première à passer : Aurélie Aromatario, qui a abordé les “Rapports entre genre et santé”. Durant sa présentation, la sociologue et chercheuse a retracé quelques moments de tension durant lesquels des mouvements ont été lancé, dès la deuxième moitié du 20e siècle, par des femmes et pour des femmes, comme l’Afro féminisme, le féminisme ouvrier ou lesbien… La question des droits sexuels et reproductifs prendra son essor avec la politisation de l’intime. En effet, quels sont nos rapports dans les domaines du privé et du public ? Le féminisme souhaitera politiser le privé, uniquement approprié à l’aspect reproductif et à l’éducation des enfants. Cet aspect réducteur et vulnérable de la femme – cantonnée à un espace réduit, symbole de beauté, à devoir cacher ses éventuels caractères sexualisants – va prendre une autre dimension grâce au développement de la médicalisation. Enfin, cette médicalisation va permettre d’encadrer la capacité reproductive de la femme, dorénavant responsable de sa sexualité, de sa contraception et à la fois consommatrice et productrice de la santé.

“Entre biais de genre et précarisation dans l’accès aux soins de santé”

Svetlana Sholokhova, chercheuse au sein du Service d’étude de la mutualité chrétienne a, quant à elle, présenté le fruit de ses recherches sur la thématique de l’accessibilité aux soins de santé et l’influence des biais de genre. Le premier constat qu’elle nomme est le suivant : malgré une durée de vie plus grande que les hommes, les femmes développent pourtant des maladies invalidantes et ce, pour des raisons d’ordre biologique, économique ou encore à cause de rapports de pouvoirs (inégalités de genre). Ensuite, selon la chercheuse, quatre points sont à l’origine de l’inégalité de l’accès aux soins de santé :

  • Sensibilité : la présence d’un sous-diagnostic et une prise en charge tardive, des maladies spécifiques liées aux femmes ou encore un taux bas d’hospitalisation chez les femmes.
  • Disponibilité : les femmes disposent de moins de temps libre, utilisation des transports en commun plus élevée et accès plus difficile pour les mamans et leurs poussettes.
  • Accessibilité financière : une tendance montre que les femmes sont plus pauvres que les hommes, 27% de familles (dont 32% monoparentales et 80% sont des femmes) ont des difficultés à financer leurs soins de santé.
  • Acceptabilité : définie comme “capacité à assurer des prestations de soins qui satisferont au besoin minimum de qualité perçue pour que les personnes acceptent de recourir aux soins de santé.” De plus, les rapports de pouvoir sont visibles dans les milieux professionnels, entre autres la santé, et se répercutent de manière globale.

“L’urgence du genre : comment le genre influence les soin”

Charline Marbaix commence son plaidoyer en rappelant que le “genre” est à différencier du “sexe”. Les termes sont souvent confondus, alors que le premier renvoie à la distinction culturelle entre les rôles sociaux, les attributs et les identités psychologiques des hommes et des femmes, tandis que le second renvoie à la distinction biologique entre mâles et femelles. Évoluant dans un service d’urgences médicales, la Docteure insiste sur plusieurs constats observés sur le terrain. D’abord : toutes les femmes qui, quotidiennement, réalisent un travail du soin au sein de leur ménage – et qui n’est pourtant pas un travail rémunéré – favorise le risque de burn-out. Ensuite : le taux élevé de précarité des femmes en âge de procréer est préoccupant et les coûts démesurés liés à leurs menstruations sont scandaleux. Finalement : il faut absolument garder en tête que toute pratique médicale est en réalité un acte social. De ce fait, plusieurs éléments sont à prendre en compte par le corps médical vis-à-vis des patient.e.s : le biais de genre, le style de communication ou encore les informations que l’on décide de partager ou non.

Violences gynécologiques et obstétricales (VGO) : “Il faut ouvrir les consciences”

Charlotte Verdin et Miriam Ben Jattou, bénévoles pour la Plateforme citoyenne pour une naissance respectée – ©Sofia Douieb

Depuis son lancement en 2022, Born in Brussels se préoccupe tout particulièrement de cette question des VGO. Les cartes blanches ou les revendications du secteur sont systématiquement partagées sur notre site. Dans notre récent article sur les 10 ans du Cocon, une socio-anthropologue soulignait notamment l’importance des gîtes de naissance pour contribuer à venir à bout des violences obstétricales. Lors de cette journée d’étude sur la santé sexuelle des femmes précarisées, l’atelier 3 de l’après-midi se focalisait justement sur les VGO. Ainsi, autour d’un escape game animé par deux bénévoles de la Plateforme citoyenne pour une naissance respectée (Charlotte Verdin et Miriam Ben Jattou), un petit groupe de professionnel.le.s de la santé a pris conscience des enjeux autant sociétaux que légaux du sujet. Ce qui ressort notamment de l’atelier : “Il faut ouvrir les consciences !”

Dimension culturelle et sensibilisation

Hanan Ben Adbeslam (Volle Maan), Noémie Schonker (Fédération Laïque des Centres de Planning familiaux) et Maïté Cuvelier (Culture et santé) – ©Sofia Douieb

L’atelier 4 fut proposé sous forme de présentation de trois projets autour de la dimension culturelle dans l’approche des publics. Parmi les trois exposés, il y avait notamment Hanan Ben Adbeslam – travaillant pour “Volle Maan” et bien connue de l’équipe Born in Brussels – qui présentait sa “boîte d’information pour les contraceptifs culturellement sensibles”. Ce kit, développé depuis 2007 et mis à jour depuis lors, est proposé dans les différentes communes bruxelloises pour sensibiliser les professionnel.le.s de la santé. Durant cet après-midi, les deux autres exposés, tout aussi intéressants, de Culture & Santé et de la Fédération Laïque des Centres de Planning familiaux, permettaient de se rendre compte d’une réalité de terrain : il existe bel et bien un manque d’informations sur la contraception pour les femmes issues de l’immigration à Bruxelles.

 

Samuel Walheer