L’épigénétique : comment expliquer la transmission des traumatismes intergénérationnels ?

11 décembre 2023

Un traumatisme vécu par un père ou une mère peut-il être transmis à son enfant ? C’est un sujet qui questionne et qui concerne de nombreux (futurs) parents, mais aussi les jeunes adultes en devenir. Selon les scientifiques, les traumas peuvent effectivement se transmettre au travers les gênes sans pour autant que cela soit systématique. À cet éventuel héritage génétique, d’ordre biologique, vient s’ajouter une nouvelle dimension que l’on appelle l’épigénétique.


Dans le ventre d’une maman, un fœtus dispose des gènes provenant de ses deux parents. Au sein de ces gènes, aussi étrange que cela puisse paraître, sont imprimés les traumas vécus par un ou l’autre parent et peuvent être potentiellement transmis d’une génération à l’autre, voire même passer plusieurs générations. En effet, certains événements impactent considérablement notre psychisme et influencent aussi ce que les experts appellent la lecture de nos gènes. Ces derniers ne sont donc pas figés mais plutôt enclin à évoluer durant notre existence. Mais comment expliquer qu’un enfant puisse souffrir des conséquences d’un trauma qu’il n’a pas lui même vécu ?

L’épigénétique, c’est quoi ?

Composé de 46 chromosomes et comptant environ vingt cinq mille gènes, notre patrimoine génétique est, malgré ce que l’on peut croire, mouvant et influençable. Comme le précise Jonathan Weitzman, Professeur de génétique à l’Université Paris Cité, lors d’une interview donnée à Radio France : “On pensait être victime de son patrimoine génétique, mais l’épigénétique vient apporter de l’optimisme, car rien n’est figé. Deux jumeaux ont le même génome, mais pas les mêmes réussites, pas les mêmes succès ou les mêmes échecs. L’épigénétique vient avec une lecture fine et potentiellement réversible, ça intéresse énormément les biologistes, de savoir que les identités ne sont pas figées, mais sont influencées et influençables.” Il y a donc un lien considérable à faire entre la génétique, qui étudie les gènes, et l’épigénétique, qui étudie les modulations de ces gènes.

Soigner ses traumas pour prévenir les risques

Un nouveau-né hérite indéniablement des gènes de ses deux parents. Ces derniers ont, avant de donner naissance, vécu des événements qui ont pu les marquer de manière positive ou négative. Lorsqu’un événement figure comme un trauma, la personne touchée l’emmagasine. Le trauma aura forcément une répercussion, à des degrés différents selon l’individu et peut, par la suite, avoir un impact sur l’épigénétique de sa progéniture. Interviewée par le journal Le Soir, Evelyne Josse, psychologue clinicienne et chargée de cours à l’Université de Lorraine explique son point de vue sur les modifications épigénétiques :« Imaginons que je vive un événement traumatique, que je ne trouve pas l’aide nécessaire dans la foulée et que je reste donc dans la souffrance, il est probable que je subisse des modifications épigénétiques. Et si je deviens un jour mère ou père, il est possible que mon enfant en hérite avec les conséquences sur la santé mentale qui peuvent aller de pair. Attention, c’est juste une possibilité, car évidemment je n’interviens que pour moitié du matériel génétique au moment de la conception de l’enfant. ». À cet égard, les scientifiques précisent donc que les mères comme les pères peuvent participer aux risques liés à la transmission de traumas.

L’impact environnemental, un incontournable

Face à notre patrimoine génétique (ADN), il y a l’environnement dans lequel on évolue qui va inévitablement nous influencer et avoir des conséquences sur nos gènes. Pour se donner un maximum de chance d’éviter de transmettre des gènes perturbateurs ou porteurs de traumas, il semble nécessaire de prendre soin de soi et de sa santé mentale. Plus facile à dire qu’à faire lorsque l’on n’est pas conscient des risques, ni de notre mal-être. “Le problème est que l’on ne peut pas tout maîtriser, surtout du côté de l’environnement. Bien sûr, on peut essayer d’avoir un certain style de vie, comme manger mieux, mais ça dépend aussi de notre niveau social, de notre statut économique et social. Et donc la responsabilité, il me semble, elle est plutôt collective sur cette question épineuse de savoir comment l’environnement peut influencer l’épigénétique et donc la façon dont nos gènes s’expriment”, précise – à Radio France – Francesca Merlin, titulaire d’un doctorat de philosophie et chargée de recherche au CRCN à Paris.

Devenir un parent responsable

Lorsque l’on souhaite avoir un enfant, rien de mieux que de pouvoir accueillir sa progéniture dans les meilleures conditions possibles. Bien sûr, chacun compose avec ses moyens et, s’il est possible d’être soutenu par sa famille ou un entourage proche, cela ne peut être que bénéfique pour son enfant et pour soi-même. Chaque parent fait les choses à sa manière et le plus important semble résider dans le fait de voir son enfant évoluer correctement tout en respectant ses propres limites. Tenter de faire de son mieux, en prenant en compte son environnement, être conscient de son état de santé, adopter de bonnes habitudes de vie, éviter les maladies pour, finalement, réduire les risques d’impact négatif sur ses gènes potentiellement transmissibles. Veiller finalement à soigner les blessures de l’âme et les traumas pour éviter d’éventuelles séquelles épigénétiques sur les générations futures.

 

Texte : Samuel Walheer