Le métier de doula : un accompagnement global autour de la naissance

“La doula accompagne et soutient une autre femme et son entourage sur toutes les périodes de sa vie, puberté, désir d’enfant, grossesse, naissance, période postnatale, deuil périnatal, ménopause, fin de vie. Forte de son expérience de vie et de sa formation, elle offre aux femmes, aux couples, aux parents un soutien sur mesure pendant plusieurs mois en toute confidentialité”, peut-on lire sur le site doula.be, l’association des doulas de Belgique. Nadège De Bonte en fait notamment partie et a accepté de partager, avec Born in Brussels, son parcours et sa passion pour ce métier-passion d’accompagnante à la naissance. 

Tout d’abord, pourriez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Nadège De Bonte, j’habite à Genval, j’ai deux enfants – Cerise, 7 ans, et William, 3 ans – et je suis en couple depuis 20 ans. Je suis très sensible aux questions environnementales et aux droits des femmes. Je me définirais comme écoféministe.

Qu’est-ce qui vous a motivée à devenir doula ?

Mon parcours professionnel a changé au cours de mes expériences personnelles et des rencontres qui ont jalonné mon existence. J’ai fait des études à Bruxelles en communication et relation publique à l’IHECS et j’ai d’abord travaillé dans le secteur de la protection de l’environnement et suis même devenue éco-conseillère. Grâce à cela, j’ai appris ce qu’était un sol fertile, l’importance de la biodiversité, le respect du cycle de la vie, l’impact négatif de l’industrialisation de l’agriculture et de l’usage intensif de la pétrochimie – pesticides et engrais artificiels.

Lorsque je suis devenue maman, j’ai fait le parallèle entre toutes ces informations et ce que nous vivons en tant qu’humains et en tant que parents : surmédicalisation de la grossesse et de l’accouchement, généralisation de la péridurale, lobby des industries pharmaceutiques sur le corps médical, violences obstétricales, problème d’infertilité grandissant, etc.

En étant éco-conseillère, j’ai fréquenté des personnes qui essayaient de vivre de façon alternative. À l’époque, deux collègues m’ont raconté qu’elles avaient accouché chez elles. L’idée m’a tout de suite plu et avec mon compagnon, nous avons décidé de faire de même. William est ainsi né dans l’eau, dans une piscine confortable installée dans notre cuisine, à la maison. Cela a été une expérience tellement unique, intense et valorisante pour moi et ma famille que j’ai décidé d’en faire mon métier et de m’investir à 100 % dans le soutien et l’accompagnement des futures mères en devenant doula.

Depuis, les deux sages-femmes qui m’ont fait accoucher chez moi sont devenues des coéquipières et je me suis également investie au sein de l’Association francophone des doulas de Belgique et de la Plateforme pour une naissance respectée. Nous avons collaboré à la création de la maison de naissance Eclore à Uccle qui a déménagé depuis, mais je suis toujours active dans la région.

Qu’avez-vous suivi comme formation ?

Je me suis d’abord documentée seule via des lectures, des vidéos, des conférences et des séminaires. Notamment, les séminaires « Physiologie et naissance » avec le Docteur Michel Odent et Liliana Lammers, « Naissance quantique » de Whapio Diane Bartlett et « L’enfantement entre science et sacré » de Quantik Mama. Puis j’ai suivi la formation « Doula & Coach périnatal » via l’Ecole Doula. J’y ai appris l’écoute active, l’allaitement, les étapes de la grossesse, la gestion d’un deuil, les particularités des grossesses gémellaires, les compétences du nouveau-né, les phases de l’accouchement, l’attitude bienveillante à avoir envers les parents, etc.

Quelles sont vos tâches en tant que doula ?

  • Informer : je prépare les parents en leur expliquant ce qu’il se passe dans le ventre de la mère, en leur décrivant le déroulement d’une grossesse, en les amenant à réfléchir à l’impact de l’arrivée du nouveau-né, etc.
  • Ecouter : j’offre un espace d’écoute que les médecins n’ont malheureusement pas souvent le temps d’offrir à chaque patient.e. Par exemple, le rôle principal du.de la gynécologue c’est de vérifier qu’il n’y ait pas de pathologie ni de danger pour la mère et le bébé. C’est important, bien sûr ! Mais avec des rendez-vous de 20 minutes qui s’enchainent, il.elle n’a pas le temps de demander à la mère ni au père : « Comment allez-vous ? » et de les écouter pleinement. Une doula peut donc offrir une oreille attentive et constituer un soutien émotionnel considérable.
  • Célébrer : j’organise différents rituels en vue de célébrer la grossesse, l’arrivée du bébé, le fait que la femme soit devenue mère, etc. En cas de fausse-couche, une cérémonie peut également être prévue pour accompagner le deuil des parents.
  • Rassembler : j’organise des cercles de parole entre femmes et entre parents. Cela permet de mettre en contact des familles et de créer un réseau d’entraide.
  • Prendre soin : en fonction des différentes formations suivies par une doula, elle pourra proposer différents soins : séances de yoga, hypnose, massage, chant, etc. Moi-même je propose ces différents services.
  • Renvoyer vers d’autres professionnels : l’accompagnement d’une doula est strictement non médical. Quand je m’aperçois qu’une mère éprouve des difficultés pour lesquelles je ne suis pas spécialisée, je la renvoie vers d’autres professionnels. Je me suis ainsi créé un long carnet d’adresses avec des conseillères en allaitement, des ostéopathes, des psychologues, des gynécologues, des kinésithérapeutes, des acupuncteur.trice.s, des sages-femmes, etc.
  • Transmettre : en fonction de ses compétences, une doula pourra enseigner aux parents des techniques de portage ou de massage pour le bébé, donner des conseils pour le nourrir, expliquer le bébé-signe, etc. Moi, par exemple, j’enseigne aux parents comment faire du zéro déchet même avec l’arrivée d’un nouveau-né.
  • Accompagner : j’accompagne les mères durant leur accouchement que ce soit à l’hôpital, en maison de naissance ou à domicile. Je suis présente depuis les premières contractions jusqu’à l’arrivée du bébé. Et je fais même des photos si les parents le souhaite !
  • Soutenir : je suis aussi un soutien logistique pour la préparation des repas, la prise de certains rendez-vous, la recherche de solutions pour la garde des frères et sœurs du bébé, etc.

Et quelles sont vos tâches préférées ?

Tout d’abord, l’aspect informatif. Quand les parents ne savent rien et qu’ils sont enthousiastes à l’idée de tout apprendre, c’est fabuleux ! Je les vois s’émerveiller au fur et à mesure de ce que je leur raconte. À la fin, quand je vois qu’ils sont sereins et se sentent prêts à devenir parents, je sais que ma mission est pleinement accomplie. J’aime aussi prendre soin comme on a pris soin de moi lorsque j’étais enceinte. J’adore organiser des célébrations, c’est si émouvant. Et bien sûr, pouvoir assister à l’accouchement est une consécration !

Quels sont les aspects gratifiants et enrichissants de ce métier ?

Ce que j’apprécie dans ce métier c’est de redonner confiance aux parents et aux couples, de les rendre pleinement acteurs de leur parentalité et de leur donner des pistes pour qu’ils activent les ressources qu’ils ont en eux. Je me suis sentie tellement puissante en accouchant de mes deux enfants, j’essaie maintenant de transmettre cette force aux autres.

Imaginez, une mère fragilisée par son premier accouchement avec césarienne… Vous l’accompagnez, son estime de soi grandit… Et finalement elle accouche de son deuxième enfant par voie basse. C’est magnifique ! On se sent vraiment utile avec ce genre d’expérience !

Et puis, chaque naissance est un événement à part entière. C’est toujours une surprise, toujours beau, toujours plein d’émotions. Et quand ça se passe à domicile, l’ambiance est tellement chaleureuse qu’on dirait que c’est Noël !

Enfin, il faut savoir que 88 % des accouchements se font avec péridurale, 30 % des accouchements sont déclenchés et 20 % des accouchements se font par césarienne. Lors d’un accouchement, la production d’ocytocine est un aspect important, c’est l’hormone du lien. Malheureusement, tous ces aspects médicalisés que je viens de citer privent, en partie, les familles de cette production d’ocytocine nécessaire au sentiment d’attachement et à la création d’un lien solide entre l’enfant et les parents. Ma contribution en tant que doula c’est donc aussi de mener une réflexion sur ces questions et sur la façon dont on veut mettre au monde nos enfants – tout en respectant bien sûr les choix de chacun.

Y a-t-il des aspects plus difficiles dans ce métier ?

Je suis de garde en permanence. Par exemple, si je pars en vacances, cela n’est jamais bien loin et on est obligé de partir avec deux voitures pour que je puisse rentrer au cas où. Je dois toujours avoir des solutions de garde pour mes propres enfants. Si je n’avais pas mon compagnon, je ne pourrais pas faire ce métier.

Ce n’est pas très bien payé non plus. Pour l’instant, je ne sais pas me rémunérer à 100 % juste en étant doula. Pourtant, je travaille jour et nuit, y compris le week-end. Pour un accompagnement à la naissance, je demande 350 €, alors qu’un.e photographe de naissance lui.elle peut demander 800 € ! Souvent, pour faire des économies, les parents ne font pas appel à moi pour une série de services alors qu’ils en auraient besoin.

Parfois, la relation avec le personnel soignant à l’hôpital est compliquée. Ils ne savent pas qui je suis ni quel est mon rôle. Je sens que je ne fais pas partie de leur équipe, voire que je suis de trop. Humainement, c’est difficile, parfois même humiliant, mais je prends sur moi et je me concentre sur les parents et l’arrivée du bébé.

Côté parents, ce qui peut être dur, ce sont les très longs accouchements ou les accouchements qui ne se passent pas du tout comme prévu. J’essaie alors de mettre des mots avec eux sur tout ce qu’il s’est passé. Parfois, les parents idéalisent complètement leur accouchement et il y a alors un crash une fois que cela se passe vraiment. Quand l’allaitement est difficile, que le bébé fait du reflux, qu’il pleure souvent, etc., certains parents perdent pied. Malheureusement, je ne peux pas prendre leur place, ils restent les parents, j’essaie donc de les aider au mieux mais parfois c’est difficile.

Quels sont les avantages pour une famille de faire appel à une doula ?

Le soutien émotionnel, l’espace d’écoute et l’aspect informatif sont bien utiles ! Pour les parents dont la langue maternelle n’est pas celle de l’hôpital, je peux aussi faire office de traductrice lors de l’accouchement et m’assurer que la communication se passe bien dans les deux sens. Pour les mères solo dont la famille vit loin, c’est un vrai soulagement de savoir qu’elles ne se retrouveront pas seules le jour de leur accouchement. Enfin, c’est un vrai plus que d’être accompagné.e par quelqu’un d’intime, en qui on a confiance et qui est présent du début à la fin. C’est un accompagnement personnalisé qui s’adapte aux besoins des parents. Cela retire souvent beaucoup de stress. Avoir une personne ressource, accessible, disponible permet de rassurer les parents qui se posent énormément de questions – médicales mais aussi et surtout émotionnelles, familiales et logistiques. Au besoin, ils seront facilement aiguillés vers les bonnes personnes grâce à un super carnet d’adresses.

Où travaillez-vous en tant que doula ? Principalement à domicile, dans des centres, chez vous ?

Il y a peu, je travaillais régulièrement au sein de la maison de naissance Eclore à Uccle, mais le projet a évolué et déménagé à Braine l’Alleud. Je suis d’ailleurs à la recherche de nouveaux lieux où proposer mes services, surtout en collectif. Sinon je me rends à domicile chez les parents ou bien je les accueille chez moi à Genval.

Avez-vous des moments privilégiés avec les pères ou vous concentrez-vous principalement sur les mères ?

Dans 90 % des cas, j’ai des entrevues avec les couples. Les 10 % restant sont des mères qui me rencontrent seules. Lors de certaines sessions, je parle spécifiquement de l’implication du père lors de la grossesse et de l’accouchement afin qu’il soit capable de comprendre les besoins de la mère et du bébé, mais ces sessions se font toujours en couple. Cela pourrait être intéressant d’avoir des sessions exclusives pour les pères, mais alors je trouverais ça plus pertinent que ce soit un homme qui soit à l’initiative de ce genre d’ateliers.

Quelles sont vos revendications, aspirations pour l’avenir, en tant que doula ?

Mes revendications sont semblables à celle de la Plateforme pour une naissance respectée : améliorer les conditions d’accouchement, garantir les droits des parents et les droits des femmes, etc.

J’aimerais aussi que le corps médical arrête de se focaliser uniquement sur la gestion des risques. Une grossesse et un accouchement, c’est bien plus que ça. C’est un événement dont la portée est bien plus que médicale, c’est un nouvel être humain qui arrive et cela bouleverse complètement la vie des parents. Il y a une dimension sacrée à tenir en compte. Ne pas accorder de souplesse sur la date prévue de l’accouchement, empêcher la mère de s’alimenter ou de boire lors de l’accouchement, faire naître l’ensemble des enfants à l’hôpital, etc., sont des choses à repenser.

Il faudrait aussi avoir une meilleure reconnaissance du métier de sage-femme et de doula. Dans notre société, il y a de moins en moins de transmission de savoirs de génération en génération. Les sages-femmes et les doulas sont essentielles pour recréer ce cadre familial, convivial, de transmission, de suivi et de soutien.

Enfin, je pense qu’il faut davantage développer le suivi postnatal. Après l’accouchement, il se passe encore tant de choses ! Le burn-out parental, la dépression post-partum, les problèmes de santé du nourrisson ne sont jamais bien loin… Sans soutien, bien des personnes peuvent s’épuiser et subir leur nouvelle vie plutôt que de s’y épanouir.

Le p’tit +

Avez-vous quelques bons filons bruxellois à transmettre aux parents qui nous lisent ?

  • Le monde d’Ayden, à Uccle, une plaine de jeux d’intérieure qui se prête aussi bien aux enfants en situation de handicap qu’aux autres.
  • Dînette, aussi à Uccle, un café-poussette adapté aux parents, aux bébés et aux enfants.
  • L’ensemble des Maisons Vertes et Baboes pour les personnes néerlandophones, de super lieux de rencontre pour les parents, partout à Bruxelles.
  • Le site web de Bruxelles Environnement qui a développé toute une partie zéro déchet avec de nombreux conseils pratiques pour les familles, de bonnes adresses, des recettes, des tutoriels, etc.

Avez-vous un podcast, une émission télé, une émission radio, un livre ou autre chose à leur conseiller également ?

  • Les ouvrages sur l’accouchement, l’allaitement, etc. de Ina May Gaskin.
  • Le livre « Le mois d’or » de Céline Chadelat et Marie Mahé-Poulin.
  • Le livre « Bien vivre le quatrième trimestre au naturel » de Julia Simon.
  • Le livre « Dans ces moments-là » d’Hélène Gérin qui traite du deuil parental.
  • Le livre « Favorisez votre fertilité au naturel » d’Hannah Livage.
  • Le livre « Chasseur, cueilleur, parent » de Michaeleen Doucleff.
  • La bande-dessinée « La naissance en BD » de Lucile Gomez.
  • La série de podcasts « La matrescence » de Clémentine Sarlat.
  • La série de podcasts « Nées en Conscience » de Cécile Tigoulet.
  • Un compte Instagram à suivre : Développement Accompagnement.
  • Le site web Quantik Mama qui comprend des préparations à la naissance et au postnatal, des podcasts, des articles, des séminaires, etc.
  • Le site web Ecoconso.be qui regorge de conseils pour les parents : Où trouver des langes lavables ? Quelles communes octroient des primes ? Où trouver des jouets de seconde main ? Etc.

 

Propos recueillis par Rebecca Lévêque