Elle a fait un bébé (presque) toute seule

De façon naturelle ou non, faire un enfant se fait généralement à deux. Mais lorsque l’âme sœur ne se présente pas à la porte et que le temps passe et presse, une femme peut être tentée d’avoir recours à un procédé moins courant et encore tabou : l’insémination artificielle. À 35 ans, Aline, maman d’un petit Alexandre de 6 ans aujourd’hui, a décidé de franchir le pas envers et contre tous. La traversée fut longue et laborieuse, mais elle ne regrette pas une minute son choix. Voici son histoire. 

“J’ai forcément eu plusieurs histoires amoureuses dans ma vie, parfois même de longue durée, mais la question de faire un enfant, ou non, n’a jamais pu être sérieusement abordée. Ce n’était jamais le bon timing, la bonne personne, le bon âge… À 32-33 ans, célibataire depuis un moment, je me suis remise en question en me disant : ‘je ne veux pas vivre la double peine’. J’ai d’abord pensé à l’option de la coparentalité, car j’ai un ami qui était d’accord avec l’idée et qui a fait toutes les démarches avec moi. Mais au final, nous ne sommes pas allés au bout du processus, parce que j’ai constaté des divergences qui ne me convenaient pas pour être tout à fait sereine.

Je lui ai expliqué mon parcours, pourquoi je voulais un enfant, pourquoi via ce biais détourné…

À 35 ans, j’ai alors sérieusement envisagé l’idée de faire un enfant seule. Enfin, presque seule, on s’entend. J’ai d’abord pris un rendez-vous au Centre de Procréation Médicalement Assistée (PMA) du CHU Saint-Pierre, mais les démarches m’ont semblé lourdes et compliquées. Alors j’en ai parlé à une amie qui avait fait une PMA en couple peu de temps avant et qui m’a conseillé une ‘super’ médecin au Chirec (Cavell). J’ai donc été la voir et le feeling est directement passé. Pendant plus d’une heure et demie, on a énormément discuté ; je lui ai expliqué mon parcours, pourquoi je voulais un enfant, pourquoi via ce biais détourné… Et à mon plus grand étonnement, elle m’a dit qu’on pouvait mettre la procédure en place dès le prochain cycle. Là, j’ai vraiment paniqué parce que c’était concret et si rapide tout d’un coup. Je lui ai demandé si je ne devais pas d’abord passer des tests psychologiques, mais elle m’a dit que pour sa part, elle trouvait que je cochais toutes les cases : sécurité financière, sécurité professionnelle, logement, réseau, famille, etc. J’étais sidérée, j’ai demandé à réfléchir, mais le soir même je l’ai rappelée pour lui dire que j’étais d’accord.

J’ai commencé le processus en novembre et je suis tombée enceinte en juin 

À partir de cet accord, tout est allé relativement vite. Il faut savoir que c’était il y a 6 ans et que le service n’était pas aussi structuré qu’actuellement où il y a désormais tout un staff PMA (procréation médicalement assistée). J’ai donc commencé le processus en novembre et en juin je suis tombée enceinte. Il a quand même fallu faire cinq tentatives d’insémination artificielle ; ce qui est différent de la fécondation in vitro (FIV) que j’ai pu éviter. À la cinquième tentative, ça a fonctionné et 9 mois plus tard je tenais mon bébé dans les bras. Concernant le donneur, il est anonyme. Tout ce que je sais, c’est qu’il est d’origine scandinave, du groupe sanguin A+ et qu’il est de stature sportive.

J’ai tout de suite assumé mon choix à 100%

Dès le départ, dès que j’ai pris ma décision dans ce cabinet médical, je n’ai jamais rien caché à mes proches, à mes amis et même à mes collègues. J’ai tout de suite assumé mon choix à 100% et c’est, selon moi, la condition nécessaire au bon développement de l’enfant. D’ailleurs, dès qu’il était en âge de parler, je lui ai tout expliqué et ne lui ai jamais menti ou raconté d’histoires. J’ai utilisé des mots adaptés bien sûr et j’ai beaucoup de livres sur lesquels m’appuyer aussi. À présent, mon fils Alexandre a 6 ans et on en parle régulièrement. Il me dit parfois qu’il est triste ne pas avoir de papa, mais pour moi c’est un signe de grande confiance et d’acceptation de la situation, parce que je trouve ça sain qu’il s’exprime aussi librement sur le sujet. À l’école, il arrive aussi à en parler en disant qu’il n’a pas de papa, mais juste un “monsieur graine”. Il sait aussi que tout ce que j’ai fait c’est parce que je le voulais lui, de toutes mes forces, et que c’est une véritable preuve d’amour.

C’était très dur émotionnellement et j’ai dû faire face à de nombreuses difficultés

Avec le recul, je me rends compte que le parcours a été long et compliqué. C’était très dur émotionnellement et j’ai dû faire face à de nombreuses difficultés. D’abord, le fait de tourner ce choix des années dans sa tête, de finalement aller au bout, d’acter sa décision, d’entamer la procédure, d’assumer ce choix autour de soi… Tout ça est compliqué et il ne faut pas faiblir mentalement. Ensuite, il y a ces inséminations artificielles avec ces visites pratiquement quotidiennes à l’hôpital, avec des tests, des analyses, des piqûres dans le ventre… On espère à chaque tentative que ce sera la bonne et puis non, il faut recommencer. C’est beaucoup de déceptions ; des montagnes russes émotionnelles. Enfin, lorsque l’embryon s’est accroché, on a une peur bleue de le perdre et une angoisse s’installe ; du moins les trois premiers mois. Il y a le doute aussi : est-ce que je vais pouvoir l’assumer toute seule, qu’est-ce qui se passera pour lui si je meurs ? Et puis quand il naît, on sait qu’on fera au mieux en l’aimant le plus fort possible. Et tant que l’amour est là, il vivra et s’épanouira, quoiqu’il arrive. 

Ce que je conseillerais aux futures mamans qui veulent suivre ce chemin

Avant de se lancer dans l’aventure, il faut bien réfléchir à tous les sacrifices, toutes les difficultés qu’il faudra traverser. Et ce que je conseillerais aux futures mères qui veulent suivre ce chemin semé d’embûches, c’est d’être sûre à 100% de leur choix. Il faut l’assumer pour soi-même, mais aussi pour les autres ; il faut oser en parler et être en total accord avec sa décision. À partir de là, plus besoin de douter ou de tergiverser : foncez et ne vous retournez pas. Une fois que la machine est lancée, entourez-vous bien, car vous aurez besoin de soutien et de beaucoup d’aide lors de la naissance de l’enfant. Et finalement, sachez qu’on n’est jamais tout à fait prêt à avoir un enfant de cette manière, mais quand la décision est mûrement réfléchie, c’est comme si la pièce du puzzle se mettait d’elle-même au bon endroit.”

 

Propos recueillis par Sofia Douieb