« À cheval sur le dos des oiseaux », de Céline Delbecq, est à la fois un livre et une pièce de théâtre sur le combat d’une mère, mise sous tutelle, qui veut prouver au monde qu’elle est capable de s’occuper de son enfant ; de « son tout petit ». Depuis 2021, date de sortie du texte, il tourne partout en Belgique et en France. Le succès est unanime tant pour la puissance des mots que pour la justesse d’interprétation.
L’équipe de Born in Brussels a assisté, fin août, à ce magnifique spectacle lors des « Retrouvailles » du Théâtre Le Public. Une riche programmation des coups de cœur de l’année y était proposée. Et parmi eux, le monologue de Céline Delbecq, interprété par Ingrid Heiderscheidt, nous a littéralement scotchés à notre siège. Il est question de maternité, de handicap, de précarité, de vulnérabilité, d’alcoolisme…
Un texte difficile, mais lumineux
Le texte est difficile, mais il est aussi lumineux, attendrissant et plein d’espoir. L’histoire peut être résumée ainsi : Une mère, assise devant un juge, se met à raconter son bonheur d’être devenue tardivement maman. Son petit Logan était inespéré dans sa vie. Bien qu’elle ait été diagnostiquée « débile’, comme elle dit, et qu’elle ait été mise sous tutelle, elle s’en occupe du mieux qu’elle peut. Pendant une heure, elle retrace le cours de sa vie avec ce nouveau-né inespéré qui ne bronche pas, sauf la nuit où il semble « avoir la terreur dans son corps ». Elle parle aussi de sa vie à elle, en tant qu’aînée d’une famille très nombreuse, de la pauvreté extrême dans laquelle ils vivaient, de son frère Patrick qui ressemble tant au petit Logan…
Dénoncer un système social défaillant
Outre l’histoire de Carine Bielen, personnage fictif de 47 ans, qui pourrait représenter tout un pan de la société, l’autrice a voulu dénoncer, entre autres, un système social et économique parfois défaillant :
À travers une parole intime, ce monologue traverse l’histoire d’une femme issue d’un milieu précaire et qui a été reléguée, dès l’enfance, vers une filière handicapée. C’est ce processus de relégation, fruit d’un système économique et social discriminatoire, qui m’a intéressée et donné le désir de m’enfoncer dans ce texte. D’un côté, il y a un système qui protège mais aussi qui décide et impose ses normes (test QI, mises sous tutelles, etc) et de l’autre, des êtres qui sont écartés de leur propre histoire, en raison de ces normes aux limites toujours discutables. Carine Bielen est un personnage fictif, elle n’existe pas. Mais il existe des milliers de Carine Bielen sur cette terre, pris dans les filets du contrôle social et de ses aveuglements normatifs. Je voulais lui donner la parole. » Céline Delbecq
Entre rêve et réalité brute
Cette dame d’apparence simple d’esprit et parlant un langage châtié s’avère souvent rêveuse et pleine de douceur. Elle remonte dans ses souvenirs d’enfance et relève quelques-uns de ses rares bonheurs en famille. L’un d’eux donne un éclairage sur ce magnifique titre : « À cheval sur le dos des oiseaux ».
Petite, mon père m’appelait la poète
parce que je regardais les oiseaux
dès que j’en voyais dans le ciel
je bougeais plus comme ça
je les regardais
j’imaginais que j’étais à cheval sur leur dos… »
Où voir la pièce / se procurer le livre ?
La pièce de théâtre sera encore jouée quelques fois (plus à Bruxelles pour le moment) :
- : Maison de la Participation et des Associations (Charleroi)
- : Helha-Cardijn (Haute École Louvain en Hainaut)
- Les Chiroux (Centre culturel de Liège)