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Le Gazouillis : du jeu en famille pour délier les langues et tisser des liens

Destiné aux familles avec un ou plusieurs enfants de moins de 4 ans, Le Gazouillis offre, depuis 1989, un espace de jeu permettant la socialisation, la rencontre et la libération de la parole. Les accueillant.e.s, tou.te.s issu.e.s de services de Santé Mentale, assurent également une fonction d’observation et de prévention auprès des enfants qui fréquentent le lieu. Reportage.

Au numéro 22 de la Place Morichar à Saint-Gilles, une jolie façade en coin est baignée d’un soleil froid et matinal. Les deux grandes baies vitrées sont estampillées du nom du lieu : Le Gazouillis. À première vue, on pourrait le confondre avec un bistrot branché. Mais en y regardant de plus près, les jouets d’enfants, les livres colorés et le tobogan visibles depuis l’entrée ne trompent pas : il s’agit bien d’une Maison Verte ou, autrement dit, d’un espace de rencontre enfants-parents.

Accueil anonyme et chaleureux

À l’entrée, un cerf-volant multicolore en forme de poisson indique que le lieu est ouvert au public. Les parents, grands-parents ou proches d’un enfant de 0 à 4 ans peuvent venir jouer avec lui, discuter, se reposer… et repartir sans aucune restriction de temps, sans rendez-vous et sans réelle contrainte financière (3 euros pour ceux qui savent). L’anonymat est respecté et seuls le prénom et l’âge de l’enfant sont demandés (pour les statistiques et pour justifier les subsides).

Des accueillant.e.s professionnel.le.s

Pour accueillir les familles, une dizaine de professionnel.le.s du secteur de la Santé Mentale se relaient et assurent la permanence. Au minimum deux d’entre eux.elles accompagnent et interagissent avec les enfants dans les différentes parties de cette salle de jeux intérieure ; faisant également office, pour certain.e.s, de lieu de rencontre, de socialisation, de détente, de bulle d’oxygène… Rien n’y est imposé : ni activités, ni horaires précis, ni obligations d’aucune sorte. Tout cela pour faire en sorte de respecter le rythme de chaque enfant et permettre à un maximum de familles de passer un bon moment au Gazouillis.

Anne et Sara, deux accueillantes au Gazouillis (professionnelles au sein du Centre de Santé Mentale de Forest)

Observation et prévention

Lorsque les familles (un tiers sont monoparentales) accrochent à la philosophie du lieu et qu’elles décident de revenir régulièrement, les accueillant.e.s peuvent plus facilement observer et prévenir les éventuels troubles chez les enfants. Un relai ou une aide peut alors être proposé ; notamment dans un centre de Santé Mentale. D’ailleurs, tous les lundis, une réunion d’équipe a lieu pour faire le point et recueillir les observations de chacun.

L’effet thérapeutique

L’effet thérapeutique d’un tel lieu n’est plus à prouver ; autant pour les enfants que pour les parents. Parmi les bienfaits : désisolement des familles seules, socialisation des enfants, expression par le jeu, agent séparateur, prévention des troubles éventuels, observation professionnelle, etc.

Une Maison Verte parmi d’autres

Il faut finalement savoir que Le Gazouillis est ce qu’on appelle une Maison Verte. À Bruxelles, il en existe de nombreuses autres avec un fonctionnement et une philosophie similaire. Pour en trouver une dans votre commune, rendez-vous sur le site des Maisons Vertes.

Infos pratiques

Le Gazouillis vous accueille au 22, Place Morichar à Saint-Gilles,1060 Bruxelles (entrée au n° 1 de la rue d’Irlande). Aucune inscription préalable n’est nécessaire.

Le lieu est ouvert du lundi au jeudi de 15h à 18h, le vendredi de 9h à12h et certains dimanches (de octobre à mars) de 15h à 18h.

Contact : toute information peut être obtenue en téléphonant au 02/344.32.93 ou au 02/542.58.58 entre 9h et 17h. E-mail : legazouillisasbl@skynet.be

Payement demandé : une somme de 3€ par famille est demandée à chaque permanence, quelle que soit la durée de la visite. En cas de difficulté, n’hésitez pas à en parler à un.e des accueillant.e.s.

Texte et photos : Sofia Douieb

Les espaces-rencontres renforcés financièrement en FWB

Depuis le début de 2022 et jusqu’en 2024, les espaces-rencontres – ces lieux qui favorisent le maintien ou la reprise de contact entre un enfant et son.ses parent.s – bénéficient désormais d’un soutien financier supplémentaire d’un million d’euros. C’est ce qui a été annoncé le 2 février dernier par Valérie Glatigny, ministre en charge des Maisons de justice en Fédération Wallonie-Bruxelles.

espaces rencontres

Un subside accordé jusqu’en 2024

Grâce à l’octroi d’un subside d’un million d’euros, les équipes de MIR pourront augmenter la prise en charge des dossiers en embauchant du personnel et ainsi espérer pérenniser leur activité. Un subside annuel de 159.000 euros sera accordé dès 2022 et jusqu’en 2024, auquel s’ajoutent 148.750 euros débloqués en 2021 par la Fédération Wallonie-Bruxelles. L’avenir s’annonce ainsi plus radieux pour les espaces-rencontres qui peinent à garder la tête hors de l’eau depuis la crise sanitaire.

Pallier le manque de moyens structurels

Car depuis le début de crise liée au Covid, ces structures souffrent d’un manque de moyens structurels, impliquant de lourdes conséquences sur le bien-être des familles. Une constatation confirmée par les équipes du Centre MIR (Médiation investigations Rencontres) : « Notre charge de travail, déjà importante avant la pandémie, ne cesse d’augmenter et nous avons dû refuser près de 50% des dossiers qui nous ont été soumis en 2021, faute de moyens.»

C’est quoi au juste un espace-rencontre ?

Selon la définition de la Fédération des Centres de Planning familial des FPS, un espace-rencontre est un « service d’accompagnement gratuit du droit aux relations personnelles quand il est interrompu, difficile ou trop conflictuel. C’est un lieu neutre où des enfants, leur père, leur mère, leurs grands-parents ou toute autre personne titulaire de ce droit viennent s’y rencontrer. » Il permet ainsi de favoriser le maintien ou la reprise de contact entre un enfant et le parent avec lequel il ne vit pas (père, mère, grand -parent et toute personne titulaire d’un droit aux relations personnelles).

 

Soutien à la parentalité : une antenne “Les Pâtes au Beurre” débarque à Bruxelles

©Sofia Douieb

 

Pour fêter l’ouverture de ce nouvel espace au cœur de Saint-Josse, le “Groupe Santé Josaphat – Centre de planning familial à Schaerbeek” à la tête de l’initiative bruxelloise, a tenu à organiser un grand rassemblement avec conférences et débats sur la périnatalité. Parmi les participants : de nombreux acteurs psycho-médicaux-sociaux de Bruxelles et Wallonie, mais également les coordinateurs des “Pâtes au Beurre” de Nantes qui ont fait le déplacement pour l’occasion. Un bel événement dont la vocation était le partage des bonnes pratiques et des expériences vécues. Compte-rendu.

Sorte de Clinique du lien parents/enfant

Le projet “Les Pâtes au Beurre” trouve son origine à Nantes. Lancé en 1999, il est désormais présent dans plusieurs grandes villes française. L’antenne bruxelloise est la première de Belgique. Le concept ? Il est relativement simple, mais il fallait y penser : offrir aux parents un espace commun (une cuisine) gratuit au sein duquel ils peuvent venir avec ou sans leurs enfants (sans limite d’âge), de manière anonyme, pour échanger autour de leur rôle de parents tout en étant encadrés par des professionnels (psychologues ou psychomotriciens) capables de les écouter et de les conseiller si besoin. Pour Sophie Marinopoulos, psychologue, autrice et coordinatrice des “Pâtes au Beurre” de Nantes, c’est une sorte de “Clinique du lien parents/enfant”.

“On accueille le lien, peu importe si l’enfant est là ou non, on joue un rôle reliant en se préoccupant de l’autre avant même que le soin intervienne”.

Une cuisine et des “Pâtes au Beurre”

Les lieux, dans chacune des antennes des “Pâtes au Beurre”, ont à peu près tous la même configuration : une cuisine centrale pour accueillir les parents, une pièce intermédiaire pour souffler, s’isoler, se détendre et une salle de jeux pour les enfants (sans surveillance). La cuisine est le lieu d’accueil ; celui de la “vie psychique” comme le précise S. Marinopoulos. Des ustensiles, des objets communs, rassemblent les cultures et classes sociales et permettent à tous de se sentir tout de suite à l’aise, en confiance.

Écoute psychologique et observante

Car l’écoute des psychologues ou des psychiatres est ce qu’on appelle “observante”; c’est à dire qu’ils abordent l’ “intranquillité” dans une “juste distance”, avec les “bons mots”. Ils nourrissent “l’espérance” pour que le parent ressorte grandi et plus positif quant à sa situation. Ils se rendent tout simplement “disponibles à la vulnérabilité”. Et parfois, cette disponibilité psychique va au delà des mots et fait du bien même à ceux qui ne parlent pas la même langue. C’est là que la question de la confiance en soi, en l’autre, aux parents entre en jeu. Le thérapeute doit pouvoir faire face (avec son duo) aux attentes et aux question des parents.

“Il faut pister les enjeux de l’embarras, retrouver le sens, sortir le parent de la sidération”, explique encore la coordinatrice de l’antenne nantaise.

Pour qui ?

Les familles qui se rendent aux “Pâtes au Beurre” n’ont pas un profil précis. Tout parent ou grand-parent peut s’y rendre gratuitement et anonymement si l’envie lui prend et s’il se pose certaines questions sur la parentalité. Contrairement aux Maisons Vertes, “les Pâtes au Beurre” n’impose pas d’âge maximum. Ce qui fait qu’une maman solo dépassée par son adolescent peut tout à fait se rendre sur place le temps d’un après-midi. S. Marinopoulos, a quand même remarqué, grâce à ses vingt ans d’expérience, que les parents qui se présentent ont souvent vécu de multiples rejets au cours de leur vie et ne se sentent pas toujours légitimes dans leur rôle de parent. Il y a aussi des jeunes couples en errance qui se sentent perdus, sans supports car, par exemple, migrants isolés.

“On va cheminer avec eux pour qu’ils trouvent leur propres réponses, indique la psychologue, on leur dit qu’ils font aussi partie de la cité, qu’ils sont avec nous…”

Importance du réseau

Quand cette “écoute observante” et cette “recherche du sens” a lieu, les professionnels des “Pâtes au Beurre” peuvent soit aider ou soutenir eux-mêmes les parents, soit les orienter vers d’autres associations ou structures plus adaptées à l’une ou l’autre situation. Le réseau, dans ce cas, a une importance primordiale. Peut-être que le parents a simplement besoin de répit, peut-être qu’il a besoin d’une aide financière ou administrative, peut-être que la maman, ou plus rarement le papa, vit seule avec son enfant et a besoin d’une aide spécifique…

Outils / pour aller plus loin

Enfin, les membres des “Pâtes au Beurre” réfléchissent souvent à améliorer l’accueil et l’aide à ces familles. Ils se réunissent régulièrement pour faire le point sur les passages et les rencontres, pour élaborer des théories ou des statistiques… Mais ils vont encore plus loin que ça en créant des outils de soutien à la parentalité ou destinés aux professionnels. Ainsi, à Nantes, l’équipe a déjà conçu des affiches, un livre, des coloriages et même un “jeu des sept familles de la santé psychique”.

Sofia Douieb

Reportage à la Maison Parenté : bulle d’air pour les familles monoparentales

Inaugurée le 21 septembre dernier par l’asbl Les Petits Riens, la Maison Parenté, troisième maison d’accueil de l’association, a déjà atteint sa pleine capacité. 16 familles monoparentales, souvent des (futures) mères avec leur(s) bébé(s), mais aussi des pères, y ont provisoirement posé leurs valises. L’équipe multidisciplinaire, composée d’assistant•e•s et travailleur•euse•s sociaux•ales et d’éducateur•rices•s, est présente pour les accompagner sur les plans juridique et administratif, ainsi que pour leur apporter répit, soutien, stabilité et autonomie. Born in Brussels s’est rendu sur place à la mi-octobre et a été accueilli, pour une visite, par Odile Dayez, directrice des Actions sociales de l’asbl Les Petits Riens, et par Charline Genot, assistante sociale à la Maison d’accueil Parenté. Reportage.

© François de Ribaucourt

Ce matin frais d’octobre, devant un bâtiment moderne et flambant neuf, non loin de la Gare du Midi à Bruxelles, Odile Dayez, perchée sur son vélo, nous rejoignit alors que nous venions à peine d’arriver. La lourde porte en verre s’ouvrit sur une grande entrée composée d’une pièce faisant office d’accueil et d’un vaste local à vélos. La directrice des Actions Sociales des Petits Riens, son casque sous le bras, nous invita à la suivre dans un étroit couloir. Sur les murs : des affiches colorées avec le logo ‘Maison Parenté’, invitant les résidents à de multiples activités communes. Au fond à gauche, une buanderie faisait face à un espace cosy rempli de jouets d’enfants. À droite, une porte menait à une vaste cour regorgeant également de jeux. Odile Dayez nous emmena ensuite à l’étage pour jeter un œil sur un appartement encore vide au moment de notre visite. Il était tout à fait charmant et chaleureux à souhait. Une petite déco par-ci, une plante par-là ; tout semblait être mis en place pour que les familles se sentent réellement chez elles, en toute autonomie.

Premiers arrivés, premiers servis

Assises sur le canapé bleu, face à O. Dayez, nous amorcions la discussion en demandant d’entrée de jeu : « Quels sont les critères ou les conditions pour accéder à la maison d’accueil ? » Sûre d’elle et avec un débit de parole assez impressionnant, la jeune femme expliqua que les premiers arrivés furent les premiers servis, pour autant qu’ils respectaient bien les conditions. À savoir :

Cette volonté de ne pas trier les candidatures selon l’urgence des situations semblait pleinement assumée. Selon Odile Dayez, « Certaines situations, bien que moins urgentes que d’autres, méritent aussi d’être prises en considération. »

Du collectif vers l’individuel, la clé du succès ?

Tout juste à la fin de sa phrase, la porte du petit appartement s’ouvrit et Charline Genot, assistante sociale, entra. Elle nous salua et s’assit sur la table de la salle à manger. Prenant la conversation en marche, elle nous éclaira plus spécifiquement sur la vie dans la maison. « De nombreuses activités communes sont organisées et les familles s’entraident pour la garde des enfants ou autre. Certains repas sont partagés et une réunion communautaire obligatoire est organisée une fois par mois. En outre, une fois pas semaine au moins, nous venons voir les familles pour avancer dans leur suivi et s’assurer que tout aille pour le mieux. Ces visites ne sont pas intrusives et assez réduites pour préserver intimité et autonomie. Mais on se rend parfois compte qu’elles sont réellement nécessaires. » Et Odile Dayez d’ajouter : « Ce que nous souhaitons faire pour sortir définitivement ces familles du sans-abrisme, c’est de leur offrir un soutien collectif et communautaire, tout en leur permettant d’être aussi indépendantes que possible ; je suis persuadée que c’est la clé du succès. D’ailleurs, avec l’UCL, Les Petits Riens viennent justement de lancer une étude sur cette articulation entre le collectif et l’individuel afin de sortir les sans-abris de la rue. »

« Déjà trois naissances en nos murs ! »

« Trois naissances ont déjà eu lieu en nos murs et neuf petits berceaux ont été installés ! », s’exlama Charline Genot quand nous lui demandions si beaucoup d’enfants en bas-âges avaient rejoints la maison d’accueil. Les mamans hébergées étaient apparemment toutes vulnérables, souvent victimes de violences conjugales et ayant dû fuir leur domicile. Au rez-de-chaussée, une salle dédiée aux touts-petits (que nous avions visité à notre arrivée) a été pensée pour recréer du lien entre les mamans et leurs bébés, ainsi que pour favoriser le partage entre les mamans. « Parfois, il faut vraiment être vigilants vis à vis de certaines femmes et leur apporter un soutien plus poussé », expliqua encore C. Genot. « Je pense notamment à cette très jeune maman qui semble ne pas s’en sortir du tout avec son petit garçon de deux ans. Nous avons malheureusement constaté de la négligence et nous faisons tout pour trouver une solution avec elle. »

Maison « dad’s friendly »

Dans le couloir, Odile Dayez nous rappela que 16 familles étaient déjà hébergées à la Maison Parenté, soit 30 enfants et 15 adultes. Parmi ces familles, quatre étaient composées de papas seuls avec un ou plusieurs enfants. La directrice des Actions Sociales précisa que la nouvelle maison d’accueil est la seule avec, comme public, les familles monoparentales. Dans la population, les papas seuls avec enfants représentent 15% des parents solos. À la Maison Parenté, ils représentent 27 % des personnes logées. Lorsque nous sommes arrivés dans la magnifique salle commune baignée de soleil, tout en haut du bâtiment, O. Dayez nous parla notamment d’un papa dont le fils est autiste et qui était sur le point de perdre pied. L’équipe se démenait pour trouver avec lui une école où le scolariser, ainsi que des activités extra-scolaires à lui faire faire…

Au lieu du provisoire, créons du définitif !

Cette Maison est évidemment une aubaine pour ces familles monoparentales qui se voient offrir un toit, de l’accompagnement personnalisé et du répit pour une durée fixée à neuf mois (variable selon les cas). Dans ce laps de temps, l’équipe pluridisciplinaire espère trouver une solution pour que ces familles soient orientées vers un lieu plus définitif. L’asbl Les Petits Riens est justement sur le point de construire un ensemble de logements sur le même modèle. « Les appartements seraient individuels avec toute l’autonomie nécessaire, mais que des espaces communs et des activités seraient organisées à part, dans une salle dédiée… » concluait la directrice des Actions Sociales de l’asbl en nous raccompagnant vers la sortie.  

Sofia Douieb